Lounès est mort, Matoub est vivant

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Idir et Matoub
Idir et Matoub

C’était un jeudi comme aujourd’hui.  Huit cent quatre-vingt-quatre jeudis sont déjà passés depuis ce maudit  jeudi  du 25 juin 1998. Aux environs de midi, la Kabylie s’est figée. Le temps s’est arrêté. L’espace s’est rétrécie, un trou noir a englouti les mémoires. On se souvient  tous de ce que l’on faisait, ce qu’on  a chaussé et même de ce que  l’on  pensait. Le film de la vie devient image. Matoub est mort, quelqu’un l’a dit et les montagnes se sont  chargées de le relayer, de Tala bounanne à Bouzeguen en passant par  At ouaguenoun, personne ne l’a cru du premier coup mais l’écho a vibré les cœurs, il est plus fort que tout. Les villages se sont alors vidés vers Tizi, la rumeur est ainsi confirmée, Matoub Lounes est bel et bien assassiné. La rage prend place et remplace la tristesse. Le peuple se blesse. Avant de le mettre sous terre, il  lui fait la promesse qu’il se redressera en vitesse. Mais en fait, qui est Matoub, qui est Lounes?

Lounes, le fils, le frère et le mari :

Il est né en hiver, au milieu d’une guerre. Il était le premier enfant et le dernier garçon de sa mère. Il a grandi loin de son père, avec sa mère et sa grand-mère. Il est le fils de na Aldjia le frère de Malika et le mari de Djamila et plus tard de Nadia.

Lounes le Poète :

C’est dur de trouver les mots qui parleront d’un forgeron de mots. Il a construit des ponts de mots, des châteaux de mots, Plusieurs de ses phrases peuvent changer la vie d’un homme. Des compositions de mots invraisemblables. Des adjectifs qui donnent des coups de foudre, des verbes conjugués à des temps qui se mélangent. Une flèche de temps qui se tord en cercle au milieu de ses poèmes. Ses femmes deviennent des anges à coup d’un adjectif qualificatif. Un espace qui se rétrécit et se contracte à coup d’un complément d’objet direct. Il joue avec la langue, Il nage dans les mots comme un poisson dans l’eau.

Matoub le rebelle :

À cinq ans il rejoint l’école, qui devient vite pour lui une cellule. Il la quitte pour les prairies et les oiseaux qui s’envolent. La révolte poussa en lui avec la poussée de ses dents. L’innocence se mélangea à la rébellion et créa en lui un poète et un lion.

A neuf ans, il fabriqua sa première guitare, pour imiter sa mère qui chantait  les vieux chants du terroir. Cette guitare ne le quittera plus, il l’interrogea à chaque conflit, et elle est toujours fidèle à  lui.

A seize ans, après trente années d’exil, son père revint et lui offrait sa première mandole, il la perd en la misant dans un pari, mais, il en achète une autre pour la remplacer et animer les fêtes du village et des amis.

A dix-huit ans, il passa ses premiers jours en prison après avoir demandé au procureur une cigarette et depuis  Il est toujours resté fidèle à sa tête.

Matoub le Kabyle :

La Kabylie était toute sa vie. Toute sa vie, elle l’a suivi. Même dans ses rêves, elle le poursuivi. Il lui a donné son argent et son temps. Son amour et son sermon. Elle lui a donné la LIBERTE et la VIE après la mort.

Repose en paix

Par Chafaa CHAFAI

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